Après avoir assisté à toutes les représentations de la commission parlementaire de la semaine du 23 septembre au 26 septembre, il m’apparaît clair que les intervenantEs venuEs témoigner sur la question des pesticides sont diviséEs entre deux clans ayant des priorités fort différentes.
Le premier « clan », celui défendant le modèle façonné au fil des années par l’UPA, se trouve celles et ceux pour qui la priorité a été la défense de la compétitivité des entreprises agricoles de l’actuel modèle agricole québécois. Ces intervenantEs vont être tout à fait d’accord avec des actions visant à améliorer la qualité de notre environnement en tentant de diminuer la quantité de pesticides utilisés (difficile d’être contre la vertu) si ces actions ne remettent pas en doute les grandes caractéristiques du modèle agricole québécois qui mènent à l’utilisation de ces produits phytosanitaires. Parmi celles-ci, pensons à la monoculture, l’impératif de productivité accrue, la spécialisation agroalimentaire axée sur l’exportation et la préséance de l’agriculture industrielle sur toute autre utilisation du territoire rural. Pour conserver ces caractéristiques, c’est-à-dire un certain statu quo, on proposera alors de fortement se fier à des avancées technologiques, dont l’intelligence artificielle, ainsi que le recours à lutte intégrée.
Dans la première solution, les avancées technologiques, on remarque que celle-ci nécessitera des investissements majeurs, ce qui aura pour effet de contribuer à la concentration des fermes, ainsi qu’à l’endettement des agricultrices-eurs. Pour ce qui est de la deuxième solution, la lutte intégrée, elle est beaucoup plus louable, cependant étant donné que dans bien des cas elle n’est, pour l’instant, pas aussi efficace par dollar investi que le recours aux pesticides (c’est le cas notamment des mouches stériles), il m’apparaît peu probable qu’elle réussisse à s’implanter dans ce modèle de libre marché où la compétitivité est la règle la plus sacrée.
Les tenantEs de cette approche s’opposent à quelconque réglementation qui ne serait pas réciproque chez leurs plus proches compétitrice-eurs, particulièrement la production étasunienne. À en juger l’actuelle gestion environnementale de l’administration Trump, aussi bien dire que ce qui y est désiré est le statu quo en matière réglementaire.
Dans le deuxième « clan », l’on retrouve des intervenantEs ayant comme priorité la santé publique et la santé environnementale. Celles et ceux-ci sont venuEs partager leurs expertises respectives pour faire comprendre aux députés les dangers des pesticides, mais également la perte de rentabilité que peut entraîner l’utilisation de ceux-ci (pensons aux apicultrice-eurs, ainsi qu’aux agricultrice-eurs biologiques). Leurs témoignages font état de dangers graves liés aux pesticides (comme la maladie de Parkinson, le lymphome non hodgkinien, la perte de biodiversité et bien d’autres) et rappellent que ces produits phytosanitaires sont des poisons et des perturbateurs endocriniens.
Ces intervenantEs ne militent pas activement pour que l’agriculture québécoise fasse faillite (j’ose espérer que personne ne veut une telle chose), mais considèrent que ne pas prendre les actions nécessaires envers la dangerosité des pesticides serait un déni destructeur de l’environnement qui pose problème en ce qui a trait à la santé publique.
À l’Union paysanne, nous croyons qu’il est impératif que le secteur agricole fasse une introspection et qu’il se rende compte des dangers émanant de sa filière dite conventionnelle. Nous croyons également, comme touTEs les intervenantEs de la commission, qu’il ne faut pas pointer du doigt les agricultrice-eurs pour l’état des choses. Ils sont au contraire en première ligne des dangers liés aux pesticides, comme c’est le cas du voisinage en milieu rural, ainsi que les travailleuse-eurs agricoles. L’Union paysanne a d’ailleurs été un des deux seules organisations (l’autre étant l’Institut national de la santé publique du Québec), députéEs siégeant à la commission inclusES, ayant évoqué les risques pour la classe ouvrière agricole, ce qui montre le peu de considération envers cette population tant nécessaire à notre agriculture.
Le doigt accusateur doit plutôt se tourner vers ceux qui ont orienté l’agriculture vers une production industrielle (utilisant largement les pesticides) axée sur le libre-marché, c’est-à-dire le gouvernement du Québec accompagné par monopole syndical de l’UPA, sans oublier l’industrie agrochimique qui a grandement profité de cette tournure des évènements. Le gouvernement a maintenant le devoir de trouver une solution et d’élaborer un plan de transition qui permettra à la fois la survie financière des agricultrice-eurs, mais aussi la disparition totale des risques qu’engendrent les pesticides sur la santé et l’environnement.
Pour ce faire, l’Union paysanne propose un modèle agricole axé sur la paysannerie, l’agroécologie, les circuits courts, la multifonctionnalité des campagnes et la souveraineté alimentaire. Passons de la compétitivité internationale à la solidarité internationale en favorisant les paysanneries locales.