Le 17 avril, la Journée internationale des luttes paysannes, l’Union paysanne a participé à une vidéoconférence internationale, en se joignant à des représentants de mouvements sociaux du Brésil, des États-Unis, de la Grèce, de l’Inde et de l’Australie.
Il s’agissait de la présentation d’Alexandre Conceição du Mouvement des travailleurs ruraux sans terres (MST) brésilien. Alexandre a commencé par nous rappeler que cette journée internationale commémore le massacre par la police militaire brésilienne de 19 paysans membres du MST. Le 17 avril 1996, à Eldorado dos Carajás, dans l’État amazonien de Pará, 1 500 femmes et hommes appartenant au MST occupaient et bloquaient l’autoroute. Leur objectif était de faire pression sur les gouvernements régional et fédéral pour qu’ils lancent une réforme agraire. Vers 4 heures de l’après-midi, 155 policiers militaires nationaux ont entouré les manifestants avant de leur lancer des grenades lacrymogènes, de tirer des balles réelles et d’ouvrir le feu avec des mitraillettes.
Alexandre a expliqué que le fait que 17 des 19 victimes étaient des leaders locaux ou régionaux du MST démontre clairement la nature préméditée du crime, qui, dix-sept ans plus tard, demeure impuni. En effet, au Brésil, des actes de violence de la part des grands propriétaires terriens continuent à ce jour et ils sont largement impunis. Cette violence s’est même accrue avec l’utilisation de milices privées. Deux leaders du MST ont été assassinés au cours de cette année, et en 2008 un militant a été tué par le personnel d’une agence de sécurité contractée par la société transnationale Syngenta.
Durant tout ce mois d’avril, les membres du MST sont engagés dans des manifestations pacifiques, y compris des occupations de terres et des blocages des routes, pour protester contre l’impunité et réclamer que le programme de réforme agraire soit relancé. Depuis maintenant dix ans, 90 000 paysans sans terres vivent dans des tentes en attendant de recevoir des terres. Le ministère de la Réforme agraire a demandé l’expropriation légale d’un million d’hectares (qu’il entend distribuer aux sans-terres), mais le pouvoir judiciaire n’a pas accédé à cette demande; presque 200 procès demeurent bloqués devant les tribunaux.
Le MST constate que la scène agricole brésilienne est dominée par les grandes sociétés transnationales engagées dans la production et le commerce de monocultures destinées à l’exportation. Alexandre a mentionné la situation dramatique résultant de la sécheresse qui frappe actuellement le nord-est du pays. Autour d’un million de bœufs sont en train de mourir de faim, mais les grandes sociétés ont refusé la demande du gouvernement d’expédier du maïs pour les alimenter, car elles préfèrent exporter ce maïs aux États-Unis, où il servira surtout à la production d’éthanol.
Répondant aux questions de ses auditeurs, Alexandre a parlé du rôle du MST dans la construction d’une société plus juste. Les victoires que le MST a connues dans ses luttes pour la réforme agraire ont permis à des centaines de milliers de paysans de vivre dans la dignité tout en produisant une alimentation saine pour leurs familles et leurs communautés. Car, dans un pays qui utilise annuellement 5,1 litres de pesticides par habitant, les membres du MST sont en train de mettre en pratique une autre vision de l’agriculture: l’agroécologie.
Après avoir décrit la démocratie participative pratiquée au sein du MST, où toutes les grandes questions sont amplement discutées à tous les niveaux de l’organisation, Alexandre a terminé sa présentation en parlant de l’Alliance bolivarienne des mouvements sociaux latino-américains et en évoquant les réalisations des Brigades internationales du MST. Ces dernières ont travaillé auprès des communautés paysannes dans plusieurs pays, dont Haïti, après le tremblement de terre, et le Venezuela où elles ont collaboré à la création de l’École internationale d’agroécologie destinée aux jeunes paysans et paysannes des Amériques.
En invitant ses auditeurs à assister au 6e Congrès du MST, qui aura lieu en janvier 2014, Alexandre a souligné l’importance de la solidarité internationale avec les luttes du MST pour la justice sociale et son nécessaire combat contre le néo-impérialisme des sociétés transnationales.