L’avenir des semences génétiquement modifiées au Canada se joue en ce moment à la Chambre des Communes, loin des projecteurs médiatiques sous l’anonyme nom de projet de loi C-474, un simple texte de 47 mots.
Proposant une modification du Règlement sur les semences, il s’agit « d’exiger, avant de permettre la vente de toute nouvelle semence transgénique, que soit menée une analyse du risque potentiel pour les marchés d’exportations ».
Une loi, selon Benoît Girouard de l’Union Paysanne, « nécessaire afin de protéger les agriculteurs des préjudices économiques occasionnés par la mise en marché des semences transgéniques non autorisées dans nos marchés d’exportation ».
Contrer les pertes de marchées venues et à venir
Proposé en novembre 2009, ce projet de loi fait directement suite à l’affaire du lin contaminé. Celle-ci a consisté en la découverte, à l’été 2009 parmi le lin destiné à l’exportation, de traces d’un lin transgénique, considéré comme illégal à la fois par le Canada à la vente depuis 2001 et par l’Union Européenne. Premier fournisseur de lin au monde, le Canada effectue 80% des exportations mondiales. Suite à cette découverte, l’Europe a fermé sa porte au lin canadien. Les liniculteurs ont alors perdus leur principal marché d’exportation, puisque l’Europe incarnait le débouché de 70% des exportations du lin canadien. « Nous ne pouvons plus permettre que nos marchés d’exportations subissent de tels dommages » soutient Terry Bohem, président du National Farmers Union et producteur de lin.
Le cas du lin est appelé à se répéter si rien n’est fait. D’après Devlin Kuyek, du Réseau Canadien d’Action sur les Biotechnologies, « sans cette loi, la luzerne et le blé transgénique seraient autorisés malgré l’effet économique dévastateur qu’ils provoqueraient inévitablement ». En effet, Monsanto développe actuellement pour le Canada un blé génétiquement modifié ; 6ème plus gros producteur de blé au monde, ce dernier exporte plus de 70% de sa récolte. Or, les deux tiers des importateurs du blé canadien ont annoncé qu’ils arrêteraient dorénavant d’importer ce dernier si une variété transgénique était introduite au Canada. De quoi ruiner la plupart des agriculteurs, dépendants des exportations. Il en va de même avec la Luzerne.
Une occasion en or
En exigeant que la législation canadienne protège ses agriculteurs contre les préjudices économiques prévisibles liés à la culture et l’exportation de plantes génétiquement modifiées, le pas du Canada est modéré : la requête est modeste – ni moratoire, ni étiquetage –, raisonnable, et fondée sur des considérations objectives (la perte de marchés extérieurs et les dégâts économiques afférents).
La porte qui est ouverte est en revanche très grande. Outre un frein conséquent à l’avancée future des cultures transgéniques et de la contamination environnementale qui en découle, les agriculteurs du monde entier, forts de ce précédent juridique, possèderaient ainsi un outil majeur pour s’opposer à Monsanto les autres multinationales productrice de semences transgéniques. Fissure supplémentaire dans un édifice biotechnologique de plus en bancal, la loi peut lui infliger un très sérieux revers, comme le prouve la virulence du lobby des biotechnologies à Ottawa pour empêcher le projet de passer. JoAnne Buth, président du Conseil Canadien de Colza, décrit le projet de loi 474 comme « un cauchemar, un cauchemar total » menaçant la réputation commerciale du Canada.
Discuté à plusieurs reprises en mars et avril 2010, le projet de loi a finalement été approuvé le 14 avril. Suite à cette victoire, il reste encore à transformer l’essai en entérinant la loi lors de sa seconde lecture par le comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire début juin, ainsi qu’au vote final, qui se tiendra à la rentrée prochaine, en septembre 2010.
Timothé Nothias, Réseau canadien d’alerte sur les biotechnologies (RCAB)
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