Les audiences devant la Régie des marchés agricoles ont pris fin en début novembre et nous espérons un jugement favorable cet hiver, ce qui permettrait à de nombreuses fermes de vendre un peu plus de poulets, de dindons et d’œufs pour assurer leur rentabilité financière.
Mais ce qui ressortait le plus lors de ces deux semaines d’audiences, c’était le fossé séparant deux modèles. Le choc de deux mondes. L’intolérance flagrante de l’industrie avicole envers les petits élevages, utilisant tous les moyens pour nous empêcher de plaider, faisant de l’obstruction systématique. Les fédérations de l’UPA ont même réclamé que les régisseurs ne prennent pas connaissance des rapports importants sur l’agriculture, comme le rapport Pronovost et le rapport CIRANO sur le hors-quota au Canada. Mais ça, on s’y attendait.
Là où le discours a pris des allures presque ésotériques, c’est lorsque les défenseurs de l’industrie insistaient sur les précautions prises par les grands élevages en matière de bien-être animal et de bio-sécurité, reprochant aux petits éleveurs de ne pas se préoccuper de ces enjeux. Pourtant, lorsqu’on sait que l’espace prévu pour une poule pondeuse se limite à 64 pouces carrés (8po x 8po), que les becs sont coupés et que l’élevage se fera toute leur vie sans accès extérieur ou même de lumière naturelle, il semble aberrant qu’on puisse reprocher aux petits élevages quoi que ce soit à ce chapitre. En prime, beaucoup d’emballages d’œufs ou de volaille vendus en magasin illustrent des oiseaux à l’extérieur, dans l’herbe, devant une petite étable colorée, à côté de laquelle on aperçoit parfois une petite éolienne… Charmant et bucolique. Publicité mensongère? Est-ce que les ventes maintiendraient leur niveau si les emballages illustraient la réalité?
L’industrie reproche aux petits élevages de ne pas avoir de normes et nous suggère d’appliquer les cahiers de charge des grands élevages. Ces normes trouvent leur utilité parce que les élevages de grande concentration sont extrêmement vulnérables face aux épidémies, en raison de la circulation constante de volaille, de fumier, de moulée et d’humains d’un site à l’autre, le tout combiné au fait que la densité des élevages permet une propagation rapide de tout problème. Concentration des élevages et transport d’une ferme à l’autre sont clairement identifiés par la littérature scientifique comme étant LES facteurs de risque.
Mais le problème n’est pas tant la cohabitation de deux modèles mais plutôt le fait qu’un modèle unique ait le contrôle sur l’espace à donner à un autre modèle. Un petit club sélect décide pour l’immense majorité. Même le président de l’UPA a dû reconnaître devant la Régie le manque de démocratie du système, dans lequel les représentants des fédérations ignoraient les conditions minimales pour avoir droit de vote à l’intérieur des plans conjoints.
Espérons que la Régie saura reprendre le contrôle de la situation en agissant en tant qu’arbitre neutre, au lieu d’abandonner le marché à des cartels privés.
Maxime Laplante, agr, président