Le Parti québécois a déposé le 16 mai dernier une politique dite de souveraineté alimentaire. Nous, agriculteurs, citoyens, artisans de la terre et de la table, pensons que cette politique dénature le concept de souveraineté alimentaire et n’offre aucun moyen pour résoudre les crises qui se sont multipliées dans le monde agricole.
Où donc était le Parti québécois ces 15 dernières années pendant que les agriculteurs et la population étaient confrontés à des crises, des conflits et des débats qui mettaient en cause la gouvernance et le modèle agricole? La politique du gouvernement du PQ, en plus de ne comporter aucune action pour y remédier, fait fi des recommandations de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire du Québec (rapport Pronovost, 2008)
Les recommandations du Rapport Pronovost, faut-il le rappeler, sont basées sur l’une des plus importantes consultations de toute l’histoire du Québec, avec 720 mémoires et la participation de l’ensemble de la société québécoise. Il nous apparaît impensable qu’un gouvernement, au mépris de la volonté populaire, refuse de fournir à notre agriculture l’oxygène dont elle a besoin, selon l’expression même du Rapport Pronovost.
Ce rapport demandait, entre autres, que l’on permette «librement» la vente des produits agricoles à la ferme et en circuits courts afin de diversifier notre agriculture et améliorer les revenus des petites et moyennes fermes. Cette ouverture dans la mise en marché collective permettrait de répondre autant aux nombreux jeunes ruraux souhaitant débuter en agriculture qu’aux besoins et au savoir-faire des artisans des métiers de bouche. Pourtant, le PQ n’en dit rien.
Le rapport Pronovost, puis le rapport St-Pierre, jugeait le principal programme de subventions agricoles – l’Assurance Stabilisation des Revenus Agricoles (ASRA) – comme inéquitable et improductif pour l’ensemble des agriculteurs et des productions. En plus d’accumuler des déficits, ce programme a des effets pervers, comme celui de forcer les fermes à grossir et à abaisser leurs coûts de production sans égard aux autres fonctions de l’agriculture. L’ASRA est également responsable de l’expansion de l’intégration industrielle en agriculture, une orientation contraire au désir de la population qui souhaite plutôt préserver l’agriculture familiale. En d’autres mots, l’ASRA est un programme anti-souveraineté alimentaire. Pourtant, le PQ n’en dit rien.
Par ailleurs, le Rapport Pronovost a demandé que le monopole syndical de l’Union des producteurs agricoles (UPA) soit remplacé par un réel pluralisme d’association, plus en accord avec les valeurs de la société québécoise. Comme il le soulignait si bien : «La Loi ne contient aucun mécanisme pour vérifier périodiquement la volonté d’adhésion des agriculteurs à leur syndicat… Non seulement la Loi crée-t-elle, à toutes fins utiles, une instance unique de représentation des producteurs agricoles, mais elle lui donne pour ainsi dire un caractère permanent.» Ce monopole de représentation a fait l’objet de critiques importantes, entre autres par le Barreau du Québec qui a plusieurs fois souligné que l’UPA possède «des privilèges dont aucun autre organisme québécois ne bénéficie.» Pourtant, le PQ n’en dit rien.
Le rapport Pronovost, suivi par le rapport Ouimet, proposait de reconsidérer notre relation au territoire en soulignant sa nordicité et l’importance de le rendre accessible à la relève agricole et aux ruraux. Pourtant, le PQ a préféré jouer la carte de la peur des étrangers en créant un faux débat sur l’accaparement des terres, rapidement démenti par la récente étude Meloche et Debailleul qui conclut : «[…] qu’il n’y a pas de phénomène d’accaparement des terres agricoles au Québec.» Le PQ a donc choisi des modifications marginales à la Loi sur la protection du territoire agricole plutôt que de s’attaquer au problème bien plus important de l’accès à la terre et à la zone agricole pour ceux qui veulent vivre et habiter notre territoire. Faut-il leur rappeler que plus de 50% du territoire agricole du Québec n’est pas cultivé?
Face à tous ces constats, nous, agriculteurs, citoyens, artisans de la terre et de la table demandons à la première ministre, Pauline Marois, ainsi qu’au ministre de l’Agriculture, François Gendron, de refaire leurs devoirs afin de donner aux agriculteurs et à la population ce qu’ils attendent d’une politique agricole, dans l’esprit, sinon la lettre, du Rapport Pronovost, et des rapports St-Pierre et Ouimet qui le complètent.
- Benoit Girouard, président de l’Union paysanne
- Jacques Proulx, ex-président de l’UPA et de Solidarité rurale
- Michel St-Pierre, ex-sous-ministre au MAPAQ
- Jean-Pierre Léger, PDG du Groupe St-Hubert
- Nathalie Joanette, pdg. créative Fou du cochon et Scie
- Daniel Pinard, communicateur
- Christian Bartomeuf, Clos Saragnat
- Daniel Gosselin, Fromagerie Au Gré des Champs
- Jean Morin, Fromagerie du Presbytère
- Roméo Bouchard, Coalition Sos-Pronovost
- Marie Anne Rainville, boulangère, Bis la boulange
- Anicet Desrochers ApiCulture Hautes Laurentides-Miels d’Anicet.
- Éric Proulx, co-fondateur, Les Grands Rangs Coopérative agroalimentaire
- Ianik Marcil, économiste
- Marc Picard, co-propriétaire Fromagerie Hamel
- Jérôme Ferrer, Chef Propriétaire du Restaurant Europea
- Christian Bégin, Comédien, animateur, auteur
- Bobby Grégoire, Président Slow Food Montréal
- Max Dubois, Fromager-affineur Échoppe des Fromages
- Jean-Martin Fortier, fermier de famille, Les Jardins de la Grelinette.
- Yanick Grohman, Président – Le Pois Mange-Tout inc. Traiteur
- Élise Desaulniers, auteure
- Cedric Fontaine, Terroirs Québec inc
- Ghislaine fortin Marois, Érablière G.F. Marois Inc
- Yves Saint-Vincent, p.d.g. Ferme Saint-Vincent, Boucheries Les Viandes Biologiques Saint-Vincent
- Jean-Pierre Clavet, Ferme Le Crépuscule
- Carole Desrochers, Vignoble des Négondos
- Jean-François Lévêque, semencier, Les Jardins de l’Écoumène
- Amélie Lachapelle, Innovterra Services-Conseils