Un revenu de base universel en agriculture serait un pas en avant pour la sécurité sociale et économique du monde rural et pour le développement des régions. Par cette mesure nous agirions collectivement pour diversifier les campagnes, encourager l’agriculture urbaine et rendre à l’agriculture son caractère pluriel et son engagement communautaire, crucial pour la vitalité rurale et l’innovation sociale.
Sécurité économique agricole
Le monde de l’agriculture est soumis à des pressions climatiques et économiques puissantes. Les gouvernements ont mis en place des structures pour y répondre, mais elles sont insuffisantes car elles ne touchent que les entreprises et leurs marges de profits. Un billet subséquent viendra couvrir ces aspects plus en détail. Ici je veux attirer votre attention sur la nécessité d’appuyer toute personne active en agriculture également, sans pousser une logique de rentabilité immédiate. La raison pour laquelle une telle mesure est nécessaire est que ce ne sont pas que les projets les plus rentables qui sont porteurs de sens collectivement.
Au-delà de la logique marchande, l’agriculture plonge ses racines dans l’économie du partage et une co-construction des paysages ruraux. La paysannerie s’est édifiée depuis le moyen-âge sur l’aménagement de forêts communales, de pâturages collectifs et de corvées partagées. Ce n’est que depuis 70 ans environ que les entreprises agricoles se sont détachées de l’existence collective pour individualiser leurs machinerie et moyens de production. Cette entrée dans le marché crée une compétition sur les marchés nationaux et internationaux et pousse les agriculteurs-trices à dépendre des maigres salaires qui se dégagent de leurs profits.
L’idée n’est pas celle d’un retour en arrière, vers une agriculture de subsistance, non-salariée et basée sur une structure familiale traditionnelle. Au contraire, j’avance qu’un revenu de base permettrait de reprendre collectivement la charge des coûts de l’agriculture, autrefois portée par le travail gratuit de la famille, pour permettre un changement de paradigme dans l’occupation du territoire.
Diversification des cultures
Un revenu de base en agriculture permettrait aux personnes qui travaillent le paysage de diversifier leurs pratiques au lieu de se tourner vers les cultures les plus rentables. En diminuant le stress du profit à court terme, ce revenu permettrait plus de cultures mieux adaptées au territoire et des pratiques plus innovantes. Cela réduirait encore les risques à long terme pour les exploitant-e-s, qui pourraient compter sur une diversité de revenus, plus adaptés et adaptables aux circonstances météo de chaque saison. Moins de risques à court terme veut dire plus d’opportunités pour innover et s’adapter à long terme et encourager la résilience du milieu rural.
Engagement social
Parallèlement à la diversification des cultures, un revenu de base égalitaire, que ce soit pour les petites fermes ou pour les grosses, permettrait à de nombreuses personnes de s’adonner à des activités de mise en marché locale ou de partage des savoirs. En occupant ces niches, autrefois dépendantes de rôles de membres de la famille non-salariées (ou peu), les agriculteurs-trices retrouveraient un pouvoir d’action dans leur communauté. Ce pouvoir est actuellement accaparé par la machinerie, les intermédiaires de marché et les experts agricoles.
Pensons notamment aux cercles de fermières, qui ont transmis sur des générations les savoirs traditionnels au Québec : ces structures perdent aujourd’hui une bonne partie de leur vitalité et de leurs membres bénévoles. Même chose pour les marchés fermiers, qui doivent avoir des subventions des municipalités, MRC, etc., pour fonctionner via une coordination rémunérée. Ces fonctions étaient autrefois du travail domestique, non rémunéré. Ils perdent leur place dans une économie de marché.
Un revenu de base en agriculture permettrait les initiatives individuelles et collectives dans ces domaines. Elle reconnaîtrait la charge colossale de travail effectuée gratuitement par les agriculteurs-trices depuis des générations. Ce ne serait qu’un petit prix à payer.
Une ruralité accueillante et diversifiée
Pour ces raisons, je vous invite à discuter de ce qu’une redistribution égalitaire d’un revenu de base pourrait signifier dans le monde agricole. Au lieu du “tout au marché” et de la compétition féroce, qu’en serait-il d’une agriculture plurielle et accueillante envers les projets alternatifs? La place des industries actuelles s’en verrait-elle affaiblie ou au contraire bonifiée par un afflux d’idées, de créativité et de revalorisation de techniques traditionnelles et contemporaines? C’est aussi de cela dont il est question!
C’est un rendez-vous, le mardi 9 mars à 19h.
Lien pour participer sur le Facebook de l’Union Paysanne: https://www.facebook.com/unionpaysanne
Philippe Saint-Hilaire-Gravel, pour Miels & Forêts S.E.N.C.