Québec, 10 décembre 2020 – Hier, nous apprenions que le gouvernement du Québec accordait un prêt de 30 millions (Investissement Québec), en plus d’octroyer un «don» en électricité d’une valeur de 20 millions (MAPAQ) aux serres Toundra, à Saint-Félicien. Cette entreprise serricole opère une monoculture de concombres sur plusieurs dizaines d’hectares projetés et a notamment fait les manchettes en raison de sa gestion déplorable de ses employé.es9. Selon l’Union paysanne, ce modèle, supporté par la Stratégie de croissance des serres du Québec 2020-2025, présente les ingrédients suffisants pour perpétuer le désenchantement du paysage agricole en l’apparentant à une méga usine et pour accentuer du même coup la dévitalisation des régions.
Depuis la fondation de cette entreprise en 2015, les trois niveaux de gouvernement (fédéral, provincial et municipal) ont accordé plus de 87 millions de dollars en aides financières de toutes sortes aux serres Toundra (voir tableau). Il est aberrant de constater que nos gouvernements financent encore et toujours les entreprises orientées vers l’agriculture industrielle et déconnectées des communautés locales, ce qui se réalise au détriment de la paysannerie québécoise. De fait, plus tôt cette année, Éric Dubé, président des serres Toundra, affirmait sa volonté « de répondre à 85 % de la demande du marché québécois » grâce à sa monoculture surdimensionnée de concombres. De plus, ce sont ni plus ni moins « 2 000 camions qui viendront se charger par année pour distribuer les concombres à travers le Québec », dérégionalisant ainsi la production et faisant une concurrence directe aux autres fermes québécoises.
« C’est vraiment déprimant pour la paysannerie de constater que nos gouvernements continuent d’engloutir d’importants fonds publics pour faire vivre cette entreprise qui a des pratiques écologiques, humaines et économiques tout à fait discutables. On se trouve encore dans une logique de centralisation et de dépossession. Est-ce que c’est vraiment le modèle de financement public qu’on veut ? », s’est interrogé Gaspar C. Lépine, paysan gaspésien à la coopérative de Trécarré.
En chapeautant un projet d’envergure industrielle appelant d’office à la domination du marché, les intentions réelles de nos gouvernements s’affichent entières : quelle place laisse-t-on à une petite agriculture œuvrant régionalement dans un tel scénario?
Pour l’Union paysanne, la rhétorique de l’autonomie alimentaire répétée par les gouvernements est grossièrement trompeuse. Une autonomie dépendante de quelques grosses entreprises financées à même les fonds publics n’a rien d’autonome, pas plus qu’elle ne contribue à une « sécurité » alimentaire! Il convient de rappeler que la résilience d’une agriculture repose sur la multiplicité des agriculteur.trice.s qui la compose : plus il y a de fermes diversifiées, plus on localise la production et la consommation et plus les assises de notre alimentation sont stables.
2 Idem
3 https://www.journaldequebec.com/2015/06/16/28-m-pour-les-serres-toundra
4 https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1005971/aide-financiere-trois-millions-ouverture-serres-toundra
8 Idem